Katalog

18 Depuis 1965, Daniel Buren applique ses dispositifs vi- suels d’une simplicité étonnante, généralement ses cé- lèbres rayures verticales d’une seule couleur alternées en intervalles de même dimension avec le blanc. À partir de fin 1965, il n’a plus peint lui-même les rayures mais acheta de la toile de store rayée standard sur laquelle se répétait le même motif, repeignant en blanc les deux bandes blanches extrêmes. Ces œuvres sur toile sont aujourd’hui de rares icônes de l’amorce de l’art concep- tuel, des images tant méditatives au sens constructi- viste que des déconstructions de l’espace architectural dans lequel elles sont présentées. Daniel Buren travaille avec des combinaisons de cou- leurs qui génèrent étonnamment une transformation de la perception, effet accentué par l’outil visuel, le dispo- sitif des rayures, qui mesure et aide à lire le lieu. Il s’agit de modifier durablement la perception de l’environne- ment avec de simples déplacements visuels, l’ouvrant simultanément dans un espace utopique. Au second regard, néanmoins, la cheminée de Chemnitz témoigne d’une longue tradition picturale qui traverse depuis toujours l’œuvre de Daniel Buren. Suzanne Pagé, longtemps directrice d’un musée à Paris 1 et aujourd’hui directrice de la Fondation Louis Vuitton dont Daniel Buren a transformé l’architecture en utilisant plusieurs couleurs en 2017, eut en 1995 l’idée d’abord insolite de partager une grande salle entre Henri Matisse et Daniel Buren lorsqu’elle prit la direction du Musée d’Art Mo- derne de la Ville de Paris : depuis, l’une des parties est consacrée à la présentation d’une première version du triptyque La Danse , qu’Henri Matisse réalisa pour la Barnes-Foundation à Philadelphie et que la famille Matisse-Duchamp a redécouverte et prêtée au musée à titre permanent ; Suzanne Pagé proposa la deuxième par- tie de la salle à Daniel Buren qui y conçut l’accrochage d’un ensemble de toiles rayées issues d’une collection privée. La salle Buren/Matisse au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris illustre la tradition dans laquelle évolue l’œuvre plastique de Daniel Buren. Ce n’est pas un ha- sard s’il crée son art conceptuel sans utiliser le langage, misant totalement sur les moyens plastiques. Sa confrontation avec Henri Matisse souligne le talent dé- coratif exceptionnel qu’il partage avec son célèbre pré- décesseur. Ce talent est également sensible dans sa nouvelle œuvre dans l’espace public à Chemnitz. Le terme « décoratif » est souvent chargé d’une connota- tion négative.Mais à l’origine, et notamment dans la tra- dition artistique française, il signifie que l’artiste conçoit une œuvre toujours risquée de manière si équilibrée que les contemporains la comprennent et qu’elle conserve ensuite son autonomie visuelle, une fois l’esprit du temps disparu. « Réaliser un ensemble décoratif » est l’un des objectifs de la grande tradition picturale fran- çaise, de David, Delacroix, Ingres, Cézanne, Matisse à

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